[Terminer] Retour au source PV [Lyriah Kurona]

J’avais hoché les épaules lorsque Shiro m’eut rappelé que le vole était un mal. Je le savais, seulement, ça ne me freinait pas pour autant. D’un regard nonchalant je passais du Maître à Shiro lorsqu’il évoqua ses condoléances. Je n’avais jamais compris pourquoi les Hommes portaient tant d’importance au culte des morts, une fois sous terre, après tout, pourquoi s’en soucier ? Il s’agissait juste de la fin de l’histoire et de passer à un autre livre. Non intéressée par leur discussion, j’avais franchi le seuil de la porte d’entrée bien avant que le Maître nous le propose. Si j’avais bien retenue une leçon, c’était de ne pas parler en mal de la mort d’une personne à voix haute, bien souvent, la suite avait pris des proportions improbables.

Je n’avais aucun ressentis particulier en entrant dans la maison, c’était comme si je ne l’avais jamais quitté. Comme à mon habitude, à chacune de mes visites, j’allais nourrir les poissons dans l’aquarium près de la cuisine et effectuais mon inspection dans la mezzanine qui m’avait servie de chambre pendant bien des années. Ce n’est que lorsque j’entendis le Maître et Shiro entrer à leur tour que je redescendis à l’étage du dessous. Quand j’arrivais au salon, le Maître venait de déposer un plateau contenant des tasses de thé sur la table.

« Pas assez rapide le vieux. » dis-je en soupirant « Shiro m’a déjà invité pour le thé bien avant toi. »

Le Maître me lança un regard noir en fronçant les sourcils tout en marmonnant des mots incompréhensibles l’air agacé. Avais-je dit quelque chose de mal ? Je roulais des yeux. Je ne comprenais vraiment rien à rien à leur manière. Quelque chose me démangeait, quelque chose bouillonnait en moi contre ma propre personne. Serait-ce ce qu’on appelle la colère ? Je baissais alors la tête tout en m’éloignant dans mes pensées. Néanmoins, j’étais restée attentive aux paroles de Shiro. Aussitôt j’y répondis.

« Pourquoi ? » dis-je avec une pointe d’agressivité « Selon toi aussi, je ne sais pas vivre en société ? Selon toi aussi je ne connais rien à rien ? » dis-je en serrant les poings.

« Lyriah. » Dit alors calmement le Maître pour me freiner dans mes paroles.

« Oh, j’oubliais. ‘’Lyriah n’est qu’un monstre antipathique’’ ; ‘’Lyriah est le vice incarnée’’ ; ‘’Lyriah détruit tout ce qu'elle touche’’ ; ‘’Ly-.. »

« Suffit ! » Hurla le Maître en me coupant la parole, tapant le poing sur la table.  « Ce n’est pas croyable d’être tant bipolaire. Shiro n’a pas faire preuve d’irrespect envers toi, tu devrais en faire de même. » Continua-t’il sans me lâcher des yeux.

« Tss. » fis-je en tournant la tête et le regard.

Le plancher grinça. J’en déduisais que l’une des deux personnes présentes s’étaient levées. Une présence s’arrêta devant moi, je tournais alors uniquement mes yeux sur le côté, ayant toujours la tête détournée. Mon regard balaya du bas vers le haut, c’était Shiro. Il me fit un sermon, celui que l’on m’avait déjà fait une centaine de fois. Puis, sa main vint ensuite tapoter ma tête, aussitôt je le stoppais dans son geste en saisissant son poignet et le serra, sans évaluer ma force, avant de le lâcher et de le regarder à mon tour.

Lorsque Shiro parla du cadeau, j’eu comme un sentiment d’apaisement. Comme ci quelque chose de chaud enveloppait mon cœur. Cette fois-ci, c’est avec des paroles plus douce que je répondis à sa question.

« Tout le monde finit par le dire. » dis-je en baissant les yeux « Sauf… toi. Et le Maître. » continuais-je.

D’aussi loin que je me rappel, même mes parents biologiques ne faisaient pas partie de cette élite, ni même quiconque d’autre de mon passé. Un nouvelle fois, je regardais Shiro de mon regard bicolore. Pas plus expressif que d’habitude, il était toujours vide et ternis, et ce, jusqu’à ce qu’un éclat brillant y surgisse soudainement lorsque je vu Shiro me tendre la main munit d’un large sourire. Instinctivement, sans même y réfléchir, ma main se rapprocha de celle de Shiro. Seulement, elle s’arrêta à mi-chemin et mon regard s’assombrit de nouveau. Mon bras retomba contre le long de mon corps. Les souvenirs de son départ m’étaient revenus, et s’il y a bien une chose que je comprenais sans faute, c’était l’abandon. Ce sont certainement ces pensées négatives qui m’avaient coupé dans mon élan.

« Peu importe » Répondis-je sans enthousiasme tout en tournant le dos à Shiro et en m’éloignant vers le Maître.

Je me mis ensuite assise, sur l’accoudoir du fauteuil où le Maître se trouvait. C’était ma manière de montrer ma distance à Shiro.

« Vois le bon côté des choses Lyriah. » M’adressa t’il en souriant.

Il me connaissait parfaitement. Je n’avais pas besoin de parler pour qu’il me comprenne. Après tout, c’est lui qui m’avait élevé comme sa propre fille depuis le début. Je soupirais longuement en m’enfonçant un peu plus contre le fauteuil et croisais les bras.

« Pourquoi tu tiens tant à t’entraîner avec moi Shiro ? Alors que de toute façon, nos chemins vont une nouvelle fois diverger. » quelques secondes s’écoulèrent avant que je ne reprenne la parole, sans que finalement, il n’ai eu le temps de répondre « Je ne refuse pas ton invitation, mais on dit souvent qu’il ne faut pas perdre son temps avec les choses, ou les personnes, qui ne seront qu’éphémère à ta vie. »

« Ami…Aimer… » Dis-je à voix basse, la tête baissée et mes cheveux recouvrant une demi moitié de mon visage, en particulier mes yeux.

Ces deux mots, le Maître n'avait cessé de me répéter à quel point ils étaient important et ce, même si je ne savais pas les définir. Depuis le retour de Shiro, diverses sensations ne cessaient de me faire passer du jour à la nuit, du chaud au froid ou bien même encore du du cœur perforé au cœur entouré d’une chaleur agréable. Ses paroles s’étaient encrées et résonnaient encore en moi. Même si ce n’était que des paroles, c’était au moins la troisième fois que Shiro me tendait la main. Je posais alors une main sur mon visage, et soudainement : Miracle. Un large sourire, sincère et profond apparue sur mes lèvres. Un sourire qui ne s’était pas montré depuis bien des années. Si loin, qu’en le remarquant, le Maître manqua de lâcher sa tasse de thé au sol. Je redressais la tête, toujours souriante. Mon regard se posa sur Shiro, mes yeux bicolores c’étaient empreint de leur couleur la plus flamboyante qu’ils puissent avoir : Un regard vif, coloré et vivant. Ce regard, ce sourire, venant de ma part on ne pouvait l’oublier. Il s’agissait de l’un des détails dont on se souvient tout au long d’une vie.

Le Maître en fit les frais. Tout comme Shiro, il n’avait jamais assisté à un tel comportement de ma part et il ne manqua pas d’en être ému au point d’avoir les yeux vitreux, essuyant au coin de son œil une larme échappée. Je me relevais finalement du fauteuil, me dirigeant vers Shiro et je m’abaissais alors à sa hauteur jusqu’à ce que nos visages se fasses faces.

« En te regardant, je me demande quand ça s’arrêtera. » dis-je en faisant référence à toute ces successions de sentiments qui s’encaperaient de moi. « Mon esprit est comme perdu. Il sort de l’obscurité. Je n’arrive pas à trouver les mots, mais quand j’y arriverai… » Je reculai alors mon visage du sien et lui tendis l’une de mes mains, à mon tour. « Je ne peux essuyer la douleur que je provoque. Pardonne-moi si je te fais du mal. Je te tends une main impure, et t’offre un cœur intriguant, mais si tu veux m’avoir à tes côtés… Peu importe ce qu’il se passera, n’oublie pas que je serais avec toi. Ne m’abandonne pas. Reste avec moi. » Mon sourire s’estompa enfin « Aujourd’hui, c’est toi qui m’as tendu la main et qui me ‘’sauve’’ ; la proche fois, si ça ne te dérange pas, attends-moi et je te ‘’sauverai’’ à mon tour. »

Des cicatrices impossibles à guérir venaient de s’estomper. Je ne me reconnaissais pas moi-même. J’étais sortie de mon silence pénible, j’avais enfin su m’exprimer comme il se devait. Je comprenais, pour la première fois, que je devais surpasser mes propres obstacles pour avancer. Tant de fois, je m’étais demandée si quelqu’un pleurera pour moi si je venais à disparaître : j’avais désormais ma réponse. Bien que je ne comprenne toujours pas ce culte, il m’était agréable de penser que : même si je ne suis pas un ange, certains continuerai de penser à moi.

« Lyriah… Je suis si fier de toi… » annonça le Maître, une main posée sur son cœur, toujours les yeux brillants et humidifiés.

Cette sensation, quand quelqu’un t’accepte et te prends la main pour la première fois, est quelque chose que je n’oublierai certainement pas. En moins de temps qu’il ne le fallut, je me retrouvais dans les bras de Shiro. Crispée, c’était le mot qui me décrivait le mieux. Que devais-je faire ? Il s’agissait bien là d’une situation plus difficile que de mes rapports sociaux. Aux premières paroles de Shiro, j’avais hoché la tête pour lui répondre positivement mais, en découvrant ses larmes, je penchais la tête sur le côté. Est-ce que j’avais fais quelque chose de mal ? En revanche, voir ses larmes, me donnait le même ressentie que lorsqu’il s’agissait des larmes de notre Maître : un point douloureux au cœur, la gorge nouée et quelque chose de très désagréable. Puis, je baissais les yeux en repensant à quelques points de mon passé aux sujets des larmes. A temps, Shiro me sortit de mes démons en reprenant la parole. De nouveau, mon regard se porta sur lui. L’amitié… Finalement, malgré-moi, j’avais enfin réussi à conserver quelque chose : le lien que j’avais tissé avec lui autrefois. Et cette fois, lorsqu’il posa sa main sur ma tête, je n’eu pas de réaction brutale, ni même un quelconque signe cherchant à le repousser, j’acceptais ce contact avec lui.

« Jamais. Jamais je ne t'abandonnerai. » répondis-je on ne peut plus sérieusement à sa dernière demande avant que le Maître intervienne.

Erf. A nouveau, à mon encontre, le Maître nous enlaça tous les deux. Je ne m’étais jamais sentie aussi libre que lorsqu’il nous lâcha. Une fois, c’est acceptable, deux fois… c’est compliqué. Après un sourire, le Maître croisa les bras en me regardant, l’air pensif, puis il prit la parole, cette fois hors des retrouvailles.

« Lyriah, dans ma chambre, au fond de l’armoire, se trouve une boîte en carton. Dedans, tu y trouveras quelque chose pour toi. Je te laisse y aller ? »

J’avais accepté, sans réfléchir. A ce moment-là, j’ignorais qu’il s’agissait d’une ruse pour que le Maître se retrouve seul à seul avec Shiro. Dès que je fus sortie de la pièce, le Maître s’adressa à Shiro.

« Shiro, avant que Lyriah ne parte avec toi, il faut que certaine chose soit claire. Lyriah connait beaucoup de chose sur toi, du fait que tu sois venu vivre avec nous, en revanche… Tu ne connais rien de Lyriah. Je n’ai pas à t’en parler, si elle veut t’en parler, alors elle le fera, dans le cas contraire… Ne cherche pas à en savoir plus. Moins tu en saura, mieux tu te portera vis-à-vis d'elle. Même si je l’ai élevé comme ma propre fille, elle n’a jamais reparlé de ce qui était ancien, même avec moi. Ne retiens qu’une seule et unique chose la concernant : Ce n’est absolument pas de sa faute. Ce n’est pas elle qui a décidé d’être ainsi, elle n’est pas née ainsi non plus, c’est uniquement ce qu’ils ont fait d’elle. Je doute même qu'elle réagisse encore à la douleur... Essaie de jamais la perdre des yeux. »

En arrivant dans la chambre en question, je pris les deux poignées de porte de l’armoire massive en bois dans les mains.  Surprise en ouvrant : Il n’y avait pas qu’une seule boîte en carton. Il y en avait des tonnes. Une seule m’étais destinée, le reste n’était que des bibelots du Maître. J’avais cherché sans relâche, et je commençais à penser que cette boîte, n’était certainement pas ranger ici. Finalement, après quelques minutes de plus, j’avais en main le mystérieux cadeau : Une nouvelle cape.  

Le hibou, de l’horloge de la chambre du Maître, sortit de son nid pour piailler en annonçant le début d’une nouvelle heure. Combien de temps avais-je mis à chercher ? Et si… ? Sans attendre plus longtemps, j’ouvris brutalement la porte de chambre du Maître et m’empressais de rejoindre le salon. J’étais arrivée en furie à l’entrée du salon, et me sentie apaiser uniquement lorsque mes yeux retrouvèrent Shiro.

« Eh bien ? Que se passe t’il Lyriah ? » s’étonna le Maître.

La peur ? Serait-ce la peur que je venais de ressentir ? Celle que Shiro ne parte sans moi ? Car cette fois encore, j’avais mis trop de temps ? Elle y ressemblait, oui, c’était exactement le même sentiment que lorsque j’avais loupé son départ. J’étais clouée sur place, la cape serrée dans mes bras, contre moi.  

A son contact, je me sentais rassurée, apaisée. Lui seul était capable de briser la glace qui me servait de carapace. Avais-je de l’admiration pour lui ? Shiro avait bâti tant de choses en si peu de temps. Et toi Lyriah ? Qu’avais-tu fais ? Avais-tu tant de fierté qui coulait de tes mains ? Non, bien sûr que non. Lui était si proche d’avoir une famille, mais moi, je n’avais même pas franchi la case du départ. « Ce n’est pas de faute, ils ont fait ce que tu es devenue » me répétais-je encore et encore pour me rassurer. Plus j’avançais et plus je me rendais compte que ma vie ne tenait à rien : que rien ne m’était important. Je relevais les yeux sur Shiro, le visage inexpressif. Bien sûr que j’avais peur d’être blessé où d’être abandonné, parce que ma vie, ne se résumé qu’à se court scénario. Sauf que tout ça, je ne pouvais pas l’exprimer. Mes cordes vocales restaient muettes, mes lèvres étaient comme cousues entre elles. Je me sentais enchaînée.

Prend ton destin en main. Deviens celle que tu dois être. J’inspira longuement en fermant les yeux avant de déclarer déterminer :

« Dans ce cas, partons. »

Ni une, ni deux minutes de plus, j’attrapais de nouveau mon sac de voyage et partie en direction de ma chambre afin de prendre quelques nécessaires de survie de plus. A mon retour, dans la pièce à vivre, je m’efforçais de sourire au « Maître » qui semblait ravie pour moi. Une fois encore, il assistait à mon départ sans même savoir l’heure et la date de mon retour.